Jeu de mots et politique dans les productions culturelles francophones postcoloniales (Afrique, Caraïbes, Banlieues françaises)

Author: ORCID icon orcid.org/0000-0003-1133-0622
Tsakeu Mazan, Stephanie Diane, French - Graduate School of Arts and Sciences, University of Virginia
Advisor:
Kandioura, Drame, French, University of Virginia
Abstract:

La réflexion, que j’amorce sur le jeu de mots et le politique dans les productions culturelles francophones postcoloniales d’Afrique et de ses diasporas, relance le débat sur la finalité de l’art et d’autre part sur celui des tactiques d’écriture qu’emploient les artistes de l’espace ciblé pour donner du plaisir à leur public tout en passant implicitement un message d’ordre politique. Le jeu de mots nécessite toujours un déchiffrement. Il renvoie de façon consubstantielle à l’allusion et au non-dit. Sa finalité ne peut être saisie qu’en configuration, c’est-à-dire en tenant compte du contexte et du co-texte de l’énoncé. Pour Bruno de Foucault, sa magie et son pouvoir dépendent de la capacité du lecteur ou de l’auditoire à le reconnaître. Pour Françoise Rullier-Theuret, il existe une intelligence entre le raconteur du jeu de mots et son public, affirmation qui met en exergue l’importance de la performance artistique dans la reconnaissance et le décryptage du jeu de mots. Dans les productions culturelles ciblées, la consommation du discours se fait en différer. Pour ce faire, la barrière culturelle peut empêcher les consommateurs qui ne maîtrisent pas la subtilité du langage de l’énonciateur, l’écrivain et le musicien dans le cas d’espèce, d’être en mesure de saisir le sens caché de ces énoncés. Ce qui nous ramène à la déclaration de Jean-Pierre Makhouta-Mboukou selon laquelle les richesses de la littérature africaine ne peuvent être inventoriées que de l’intérieur.
Pour Bruno de Foucault, le jeu de mots est considéré comme ayant pris que lorsque la transformation opérée par la créativité de l’auteur est perçue par l’auditeur. Dans les formes artistiques modernes, comme c’est le cas des textes francophones sur lesquels portent ma recherche, il est difficile de vérifier cet argument qu’énonce Bruno de Foucault étant donné que l’auteur ne récite son texte, ni ne chante forcément en présence de son auditoire. La manipulation de la langue française par les artistes francophones dans les textes choisis est perceptible au niveau de la graphie ou de la diction. Pour preuve, l’humour, qui résulte du jeu fait sur les mots et expressions de la langue française, est l’un thèmes majeurs de la littérature francophone d’Afrique et de ses diasporas.
L’humour/le rire est généralement perçu comme un élément esthétique, surtout culturel chez les Africains. Cependant, sa portée politique n’est pas toujours prise en compte. La piste que j’explore ici est celle du jeu et du comique des mots et leur rapport au politique, ayant en tête les dires de l’écrivain congolais Emmanuel Dongala selon lesquels « Nous rions pour ne pas pleurer […] On ne se prend pas au sérieux tout en disant des choses sérieuses ». L’idée selon laquelle l’Africain ne rougit pas, mais au contraire sourit face au mépris multiséculaire auquel il est confronté dans le règne impérial, peut être avancée. Ma thèse a pour principal objectif de démontrer que la fonction du jeu de mots dans les productions culturelles francophones est cosmétique, au sens barthésien du terme. C’est une stratégie esthétique qui expose en soubassement les questions sensibles comme l’impérialisme qui traverse le temps et l’espace. Pour mener à bien cette recherche sur le jeu de mots et le politique, le concept de paradigme de l’enroulement fantomal développé par Achille Mbembé, qui questionne les pratiques et le discours impériaux de l’esclavage à la banlieue française en passant par la colonie, me sert de grille de lecture.
Cette thèse s’organise autour de trois grands axes. La première partie porte sur les jeux de mots dans le roman de la période coloniale, période pendant laquelle la littérature est surtout perçue comme une arme de libération ou d’affirmation du moi africain nié par le discours impérial raciste. La deuxième partie s’intéresse d’une part à la déconstruction des stéréotypes élaborés sur l’Afrique avec lesquels les artistes jouent allégrement et d’autre part à la représentation de la guerre au courant de la décennie noire africaine, sous le prisme du jeu fait sur les mots. La troisième partie se penche sur les textes littéraires et musicaux où les artistes questionnent l’hégémonie du français classique, culturellement et politiquement parlant, en Afrique et dans la province française.

Degree:
PHD (Doctor of Philosophy)
Keywords:
Jeux de mots, Comique des mots, Langagement, Grammaire africaine, Non-dit, Allusion, Dérivation, Enroulement fantomal, Impérialisme, Humour, Horreur , Politique
Language:
French
Rights:
All rights reserved (no additional license for public reuse)
Issued Date:
2023/07/29