(Se) Dévoiler: Réponse aux discours colonial et patriarcal dans les romans d’Evelyne Accad et d’Assia Djebar

Author:
Charles, Aline, French - Graduate School of Arts and Sciences, University of Virginia
Advisors:
Dramé, Kandioura
Levine, Alison, Department of French Language and Literatures, University of Virginia
Blatt, Ari, Department of French Language and Literatures, University of Virginia
Casey, John, Creative Writing Program, University of Virginia
Abstract:

A travers l’étude de l’image du voile dans les œuvres d’Evelyne Accad (1943-) et d’Assia Djebar (1936-), ce projet présente, analyse et interroge un processus à l’œuvre dans les sociétés libanaise et algérienne de l’ère postcoloniale : celui du dévoilement des femmes et de leur condition particulière. La domination coloniale qui les a contraintes, comme l’autorité patriarcale qu’elles subissent encore, ont toutes deux contribué à diminuer leur parole et leur visibilité au sein de l’espace public – celui de nations en voie de construction. La définition de cet acte – révolutionnaire par essence, car il se conçoit comme un geste de résistance, mais aussi profondément divers – offre donc la possibilité aux deux auteures, dans et par la littérature, de resituer les femmes dans le cours de l’Histoire comme dans la mémoire collective de leurs pays respectifs. Accad et Djebar leur offrent un nouvel espace d’expression, leur redonnent la parole, afin de contredire les errements du discours masculin et/ou colonial produisant une vision univoque de l’Histoire. Cette prise de parole entame alors un dialogue avec ce double discours, et se conçoit d’abord comme une réponse féminisée aux constructions culturelles, sociales et politiques virilisantes qui ont dominé et dominent encore leurs deux sociétés.

Dans une première partie, je propose d’examiner le voile, devenu objet littéraire dans les romans d’Accad et de Djebar, et le dévoilement dont il fait l’objet, d’abord dans sa valeur concrète et matérielle. Ce bout de tissu, à la fois garant de protection et d’oppression, devient un enjeu politique, social et religieux majeur dans le contexte colonial. C’est comme tel qu’il oppose en effet, dans les romans des deux auteures, le colon aux colonisés mais également le monde occidental au monde oriental, le monde masculin au monde féminin. Dressant un parallèle entre la situation coloniale et la situation des femmes dans la société patriarcale, Accad et Djebar en font le symbole d’une forme de domination et d’oppression, de ce qui rend sourd, muet, aveugle et invisible ; et le dévoilement celui d’une libération.

Une fois parachevée, non sans peine, l’étape du dé-voilement concret des femmes, il reste de nombreuses barrières à franchir qui restreignent encore la liberté des femmes et limitent leurs mouvements. L’affranchissement définitif suppose donc nécessairement d’autres dévoilements, davantage culturels et sociaux : celui de l’espace, du corps et des souffrances, dans le but de démystifier et de corriger une vision occidentale érotisée et, donc, erronée. Il se pense comme une prise de conscience, pour les femmes comme pour ceux qui se font les témoins de leur situation. Le deuxième chapitre aborde donc les problèmes de dévoilement spatial à travers l’étude de deux espaces précis, tels qu’ils sont évoqués dans les romans des deux auteures : le harem, objet de fantasmes d’une vision masculine proprement occidentale, et le hammam, espace associé à la féminité où le corps nu est exposé et la parole libérée.
Enfin, Assia Djebar et Evelyne Accad souhaitent replacer les femmes dans l’Histoire, et pour cela, dénoncent les oublis et fouillent la mémoire collective de leurs pays respectifs – l’ultime dévoilement, celui de la vérité. Le dernier chapitre analyse donc la constitution de cette nouvelle perspective narrative proprement féminine, qui se veut proposition littéraire de restitution historique. En créant une littérature hybride, un genre nouveau où se mêlent fiction et faits historiques, les deux auteures répondent en effet à l’urgence provoquée par la situation postcoloniale et entendent ainsi combler les « trous de mémoire » laissés dans et par le discours masculin.

Degree:
PHD (Doctor of Philosophy)
Language:
French
Rights:
All rights reserved (no additional license for public reuse)
Issued Date:
2014/05/29